Le retour des expatriés en France
Le retour des expatriés en France est accéléré par la crise sanitaire et économique. Pour de nombreux Français expatriés, la crise sanitaire a été l’occasion d’une remise en question. Mais aussi déclencheur d’un changement de vie, temporaire ou permanent.
« En septembre, j’étais arrivée à un point où ma santé mentale dépendait de mon retour en France », confie Yaëlle, ex-expatriée au Pérou.
⇒ La crise sanitaire crée des doutes chez les expatriés (2020)
Elle a atterri à Paris deux jours avant le début du second confinement. Pour elle, l’arrivée du virus dans son pays d’accueil en mars 2020 a marqué le début d’une série de circonstances lui donnant envie de mettre fin à son expatriation. Tout d’abord, elle a perdu son travail presque immédiatement. C’est à dire dans un pays où indemnités chômage et préavis de licenciement n’existent pas. Et même si elle a pu trouver rapidement une activité en ligne, celle-ci ne la comblait ni économiquement ni socialement.
« je me suis expatriée pour pouvoir profiter du pays où je m’étais installée, sortir tous les jours pour aller au travail, rencontrer du monde. L’expatriation n’a plus de sens à partir du moment où on reste enfermée à l’intérieur devant son ordinateur. Elle devient subie ».
⇒ Formalités pour le retour en France
« Quand on est loin, on est vraiment loin. »
D’autant plus que le confinement a été pour elle l’occasion d’un choc des cultures.
« On était en quarantaine hyper-stricte et l’ambiance était pesante, avec beaucoup de paranoïa chez les locaux et de fortes inégalités au niveau de l’accès à la santé. Je me sentais en décalage avec la mentalité locale et au contraire, proche de l’état d’esprit des Français », explique-t-elle.
Avant de préciser que finalement, ce qui a est devenu le plus insupportable par-dessus tout était l’éloignement avec ses proches.
« J’avais vraiment besoin de retrouver les miens, et avec cette situation qui ne s’améliore pas, il n’y avait aucun moyen de savoir quand nous allions pouvoir nous voir, ne serait-ce que pour des vacances. » Le rapatriement s’est présenté comme le seul choix possible.
Comme elle, à cause de la pandémie, de nombreux expatriés français ont dû se poser la question : partir ou rester ?
MSH International a réalisé une enquête auprès de 57 grandes organisations disposant de plus de 50 salariés mobiles. Et cette enquête nous apprenait en octobre que 18% – des groupes avaient alors rapatrié la plupart de « leur population mobile ».
⇒ Les nouvelles formes de mobilité
Le retour des expatriés : chômage éclair et retour forcé
Nathalie Deveaux, présidente de l’Union des Français de l’Etranger en Thaïlande, indique :
« En Thaïlande, le tourisme représente 20 % de l’activité économique, et si on ajoute à cela les services en lien comme la restauration, on atteint facilement les 30 %. Avec la fin de toutes ces activités, beaucoup d’expatriés ont dû partir. Et dans la précipitation puisqu’ici quand on perd son contrat de travail on perd automatiquement son visa et il faut quitter le territoire dans les sept jours. Avant, il y avait des étrangers partout, maintenant je n’en croise presque plus. Ils sont tous partis. Ceux qui restent sont ceux qui ont de la famille sur place. »
Elle-même a été obligée de licencier une grande partie de son personnel, dont beaucoup d’expatriés. Et elle explique que les prévisions pour les années à venir sont très mauvaises.
Aux Philippines, les prévisions sont tout aussi pessimistes
Aux Philippines, à 2.000 kilomètres de la Thaïlande, les prévisions sont tout aussi pessimistes. Et c’est à cause de cela que Pauline s’est résignée à plier bagage, après pourtant s’être accrochée pendant des mois à l’idée d’une amélioration. Elle a vu son activité professionnelle se réduire progressivement puis s’arrêter. Et son patron lui a finalement affirmé qu’il ne fallait pas s’attendre à une reprise prochaine. Elle qui était une des dernières étrangères à ne pas avoir quitté son île, une des milliers qui composent le pays, a fini par partir à contre cœur.
« Rejoindre la capitale pour ensuite prendre un vol international était une vraie galère. Un jour, alors que je commençais à peine à accepter l’idée qu’il fallait partir, mon copain m’a réveillée à 2 heures du matin. Un avion allait être envoyé par l’Australie le lendemain. A 6 heures, j’étais avec lui à l’aéroport pour qu’il essaye d’acheter un ticket. Et mon entourage me faisait comprendre que je devrais également en profiter pour faire de même. Que ce vol serait probablement le dernier avant très longtemps. Je me suis laissée convaincre. J’ai acheté un billet. Et je suis partie le jour même, en abandonnant toutes mes affaires derrière moi, de mes vêtements à ma moto ».
Le retour des expatriés : « Le confinement a permis de prendre du recul »
Au contraire, pour d’autres expats, le confinement et les fermetures de frontière ont été l’occasion d’une remise en question de leur mode de vie. Et d’un retour en France plus permanent. Par exemple, Lise a quitté le Sri Lanka où elle vivait depuis janvier 2017 et depuis elle pense prendre un tournant à 180 degrés.
« Je suis rentrée en France parce que je n’avais plus de travail, pas de perspective d’emploi, et tous mes amis quittaient le pays les uns après les autres. »
Après plus de 3 ans sur place, la crise du covid l’a forcée à partir mais lui a aussi permis de mettre sa vie en perspective :
« Je pensais vouloir vivre à l’étranger, en bougeant régulièrement, toute ma vie. Mais pendant le confinement, j’ai pris du recul, et je me suis rendue compte que je manque de stabilité. Depuis que je suis rentrée, j’ai envie de me poser et donc je vais rester. Pourquoi pas avoir mon petit chez moi quelque part en France ? »
Le retour des expatriés : et si la pandémie était l’occasion de rentrer
Au même moment, à Londres, Millie faisait le même cheminement psychologique. Et si la pandémie était l’occasion de rentrer en France et de changer de vie ? Cette chargée d’études vivait dans la capitale britannique depuis dix ans quand le virus a frappé. Le confinement a été un vrai chamboulement dans son quotidien.
« J’adore Londres pour son accessibilité aux loisirs, et là je me suis retrouvée enfermée dans mon appartement, à travailler sur ma table à repasser dans ma chambre, sans pouvoir profiter de la vie culturelle ou des sorties dans les pubs avec les collègues. »
Pour elle, tous les avantages de la vie dans une capitale avaient disparu. Elle a alors décidé de rentrer en France, acheter une maison au bord de la mer. Et elle envisage même une reconversion professionnelle, probablement dans le coaching.
« Je trouve que cette période est propice aux grands bouleversements. D’une part, parce que le télétravail se généralise, facilitant les démarches administratives. Par exemple, dans mon entreprise, ça a été mis efficacement et j’ai pu faire des démarches immobilières en France en continuant à travailler pour Londres. Mais en ce moment tout le monde est en transition. Donc celui qui change de vie maintenant ne se sent pas bizarre. Au contraire, tout le monde comprend la démarche », conclut-elle.
En effet, dans d’autres parties du monde, des expats nous confient avoir vu ce type de remises en question. Par exemple, Manon, expatriée au Canada, estime à ’50/50′ la proportion de Français autour d’elle ayant décidé de mettre fin à leur expatriation.
« y compris des familles entières, qui étaient bien installées, et qui ont pris la crise du Covid comme une bonne occasion de chambouler leur vie et retourner dans leur pays d’origine. »
Le retour des expatriés : une carte de l’expatriation chamboulée
Du côté de l’UFE, le directeur Marc Boudin n’a pas constaté un retour en masse des expatriés en France. Mais un ensemble de cas particuliers. 40 % des Français de Russie en partiraient, 20 à 30 % pour le Vietnam, alors que les mouvements à l’intérieur de l’Europe de l’est n’apparaissent pas comme significatifs.
Il explique aussi que les entrepreneurs ont tendance à s’accrocher. Alors que les employés du tourisme ont largement quitté le navire.
Le retour des expatriés, source : start les echos .fr / Ingrid Falquy